L’argent, donc, malgré une apparente aisance, rentre mal. D’autant que Ludwig « l’Ancien » grandit. À dix-neuf ans, il lui faut absolument trouver emploi et cela engagera des frais. Le 22 septembre 1731, Maria Louise loue leur « Akelei » à un confrère de son mari pour six ans.
À Louvain, une opportunité se présente. Louis Colfs, qui exerce la fonction de maître de chant à la Collégiale Saint-Pierre, est en effet malade. Pour alléger sa tâche, le Chapitre cherche un chanteur pour le chœur et le jubé. Sans doute averti par son parent, Antonius Colfs informe évidemment son plus brillant élève ; semblant confondre celui-ci avec son parent d’Anvers, de même prénom mais baptisé le 23 décembre 1712, Joseph von Wasielewski écrira en 1888 que le jeune homme saisit l’occasion pour s’enfuir de chez lui. Quoi qu’il en soit, dans les jours qui suivent, Ludwig « l’Ancien » se déplace à Louvain pour postuler au pupitre de Ténor, muni des recommandations du maître de chapelle Major et de son professeur.
Réuni en séance extraordinaire le vendredi 2 novembre, le Chapitre accepte sa candidature. Le document qui suit constitue son premier engagement connu.
Acte capitulaire, Collégiale Saint-Pierre, Louvain :
“Die Veneris 2. Novembris 1731.
Habitum fuit Capitulum Extraordinarium, in quo resolutum fuit, Insinuandum esse Dno Phonasco per secretarium Capituli in scriptis quod sequitur : ut indilate suis expensis ponat substitutum vel substitutos, a Capitulo approbandos, qui ex integro satisfaciant obligationibus Dicti Domini Phonasci tam in choro (non tantum pro musica sed etiam pro cantu Gregoriano) quam in Odeo et domi suae pro instructione choraulium (si id ultimum per se facere non possit) conformiter conditionibus ipsius admissionis, edque ad Trimestre, ad videndum an sit spes talis convalescentiae, ut per se ipsum possit satisfacere omnibus functionibus suis.
Quod secretarius praestitit, et praefatus Ds. Phonascus respondit quod exhibebit libellum supplicem, et hoc hodie si possibile sit tradendum in manibus amplissimi D. Decani, quoad vero Trimestre, quod ipsi praescribitur, se tunc visurum quid juris et consilii.
Quod attestor
J N Grauf, secret.
Item proposuit A. D. Decanus, cum jam dudum vacaverit locus Tenoris in hac ecclesia, ad quem se praesentavit nunc Ludovicus van Beethoven, an placeat DD eundem admittere, et DD eundem admiserunt sub conditionibus ipsi praescribendis ita ut non censebitur in possessione ejusdem officii constitutus, nisi postquam easdem conditiones acceptaverit et subsignaverit.”
Ludwig « l’Ancien », déjà sur place, prend aussitôt son service – huit jours ! Une semaine après, le Chapitre ayant chargé Louis Colfs de se chercher un remplaçant, c’est le Phonascus lui-même qui le recommande, le 9 novembre 1731. Acte capitulaire, Collégiale Saint-Pierre, Louvain. Lettre de recommandation de Louis Colfs, Phonascus :
“Le Vendredi 9 Novembre 1731
Aux très Révérend Monsieur le Doyen et vénérables Chanoines
de la célèbre Église Collégiale de St-Pierre
à Louvain.
Louis Colfs, maître de chant, déclare avec le plus profond respect qu’il fut avisé par Monsieur le Secrétaire du Chapitre de la décision des honorés et révérends Chanoines, décision par laquelle le soussigné fut prié de désigner un remplaçant pour le service de l’église et (en cas de besoin) pour la direction des études à domicile. Comme il lui paraît que personne ne conviendrait mieux à cet emploi que Ludovicus van Beethoven, il se permet de recommander ce dernier pour ces fonctions. Priant humblement les Révérends Chanoines de vouloir agréer ce candidat.
F. Colfs, maître de chant.”
Le secrétaire note en marge de la requête la décision du Chapitre : Ludwig « l’Ancien » est nommé Phonascus pour trois mois, à l’essai ; il peut être remercié à tout moment par les Chanoines. Il remplace donc Colfs, fait mieux connaissance du prêtre compositeur, organiste de la Collégiale, Dieudonné Raick, mène à terme sa mission … et part, en février 1732… On dit que Clément-Auguste de Bavière, Prince-Électeur de Cologne, de passage à Louvain, l’aurait remarqué et lui aurait suggéré de venir à Bonn, où il réside. Aucun document ne corrobore l’information, peut-être vraie ; mais peut-être n’est-ce qu’un pieux mensonge, propre à cacher le fait que, le temps écoulé, son contrat n’étant pas renouvelé, il a dû quitter Louvain. Une raison possible : sa voix vient de muer et ne correspond plus au goût du Chapitre.