Nachruf o An Sie Anhang 18 – Lied für eine Singstimme und Klavierbegleitung

Breitkopf und Härtel p. 153 ; Nottebohm p. 192 ; von Lenz IV, 357 b ; Hess Anhang 39 ; Biamonti Nota aggiunta II / 9. Articolo di Michel Rouch riguardante il lied apocrifo “Nachruf” o “An Sie” Anhang 18. Testo disponibile in lingua francese dal febbraio 2016.

Dernière œuvre apocryphe, ultime numéro du catalogue Kinsky-Halm de 1955 : Nachruf oder An Sie (Nécrologie, Rappel ou À Elle – quoique le texte dise : « Ô toi, »…), Lied [Anhang 18] en la bémol majeur pour voix et piano, sur un poème d’auteur inconnu. Georg Kinsky et Hans Halm, de même que Willy Hess, Giovanni Biamonti et James F. Green, reprennent Gustav Nottebohm et affirment que son histoire commence en Allemagne vers 1844. Tous les autres catalogues (Thayer, de Curzon, Bruers, Balestrini, Grove, Kerman et Tyson, Cooper, etc.) ne le mentionnent même pas. Pourtant, en septembre 1839, le catalogue de l’éditeur Hofmeister proposait déjà, parmi ses Gesänge für eine Stimme mit Begleitung des Pianoforte : Beethoven (L. v.) An Sie, gesungen v. Jul. Egersdorff. (O Du, nach der sich alle meine Wünsche lenken). Hannover, Woltmann 2 Gr[oschen].

Je n’ai malheureusement pu consulter cette édition de Hanovre, mais, n’en déplaise aux beethovéniens convaincus, ce lied est bel et bien apocryphe… Voici d’abord le texte du poème :

NACHRUF

O ! Du, nach der sich alle meine Wünsche lenken,
Zu Dir spricht meines Herzens Wort,
Man fordert streng, ich soll nicht Dein gedenken
Doch desto fester [bis] denk’ ich an Dich fort,
Zwar bist Du nun fern von mir geschieden
Du, dem/die in schönster Zeit mein Auge sah,  (partition : dem)
Gieb Hoffnung mir, Erinnerung und Frieden,
Ich sehe Dich, [bis] Du bist mir nah.

Sobald die Sterne an dem Himmel strahlen,
Gedenk’ ich holdes Mädchen Dein,
Sie einen sich, Dein süsses Bild zu malen
In Flammenzügen [bis] im heil’gen Schein,
Der ganze Himmel senkt sich dann hernieder
Die Erde flieht, Du bist, Geliebte da,
O hauche mir, Errinnerung und Frieden,
Ich sehe Dich, [bis] Du bist mir nah.

Du Trägst die Bilder schön’rer Zeit so treu herüber,
Und schwebst als Schutzgeist um mich her,
Doch schweigst Du jetzt, dies macht mein Leben trüber,
O es ertönet [bis] Dein Gesang nicht mehr.
O traure nicht, tönt die Saite leise,
Der Hoffnung, wie der Ruhe süsses Wort,
Wohl, wohl ist mir in meinem stillen Gleise,
O theures Bild, [bis] so schwebe fort.

Ô toi, vers qui se portent tous mes vœux,
La langue de mon cœur te parle ;
On me demande sévèrement de ne pas te commémorer
Mais c’est d’autant plus fort que je pense à toi.
Certes, tu es loin maintenant et séparée de moi.
Toi qui pendant les temps plus beaux me regardais dans les yeux,
Donne-moi de l’espoir, des souvenirs et de la paix,
Je te vois, tu es près de moi.

Aussitôt que les étoiles brillent dans le ciel,
Je te commémore, toi, ma gracieuse fille.
Elles s’unissent pour peindre ta douce image
En traits de flammes comme dans un nimbe.
Le ciel entier descend alors,
La terre s’enfuit, toi, mon aimée, es là,
Oh ! Souffle-moi des souvenirs et de la paix,
Je te vois, tu es près de moi.

Tu redessines si fidèlement les images des temps plus beaux,
Tu planes au-dessus de moi comme un ange gardien.
Pourtant tu te tais maintenant, ce qui rend ma vie plus trouble,
Ton chant ne retentit plus.
Ne pleure pas si la corde sonne plus doucement.
Dans l’espoir et la douce parole du calme
Je suis serein, bien et équilibré.
Ô chère image, continue de planer.

[D’après la traduction littérale offerte
par Carmen Uhl – Montpellier,
avec mes remerciements.]

      Après la parution d’un premier article sur ce sujet, en 2009, quelques partitions anciennes me sont parvenues. D’autres, après les additifs de 2012. La plus importante apportait une réponse définitive visant l’auteur du poème : un manuscrit non daté, en fa majeur, provenant de Zámek, en Tchéquie, intitulé Nachruf. Le musée le donne évidemment composé par Marianna Clara Auenheim (autre nom de Marianna Auernhammer [1786-1850], épouse Czegka) et précise que l’auteur du texte est Wilhelm [von] Marsano, « l’Alcibiade de Prague », ville où il est né le 30 août 1797. Il est donc, comme l’antique général athénien, beau, riche, intelligent… et militaire autrichien ! De famille génoise installée en Bohême, il s’est cependant tourné très tôt vers la littérature. On l’a dit même intime de la cantatrice Henriette Sontag, une des interprètes favorites de Beethoven et ancienne élève de Marianne Czegka ! Entre autres œuvres, le capitaine poète vient d’écrire ses Romantische Dichtungen, en 1825. Puis Nachruf, pour je ne sais quelle triste occasion. Le chanteur Julius Egersdorff lui en aura longtemps ravi la paternité ! Merci donc à Irena Veselá, de Brno, qui m’a permis de réaliser cette ultime mise au point. Devenu feld-maréchal lieutenant, von Marsano décédera, anobli mais aveugle, à Görz, le 14 avril 1871…    Venons-en à la musique : C’est pourtant sous son nom, alors que le poète, âgé de 33 ans, est en garnison en Lombardie, que Nachruf paraît à Prague, durant l’été 1830, chez Kronberger & Weber, mis en musique pour piano ou guitare par J. Taizon, assorti d’une traduction en tchèque de L. Hornová. Une partition que je n’ai pu retrouver :

Le manuscrit de Zámek, contenant deux Lieder de « Mariana Czegka geb. v. Auernhamer » cite également leur auteur :

Malheureusement, ce Nachruf, en fa majeur, n’offre que son premier couplet. Il faut attendre quelques mois pour découvrir le Lied entier, contre 36 x. cm. [36 Kreutzer en Monnaie conventionnelle], au début d’un recueil de Marian[n]e Czegka publié à Vienne, au 1134 du Graben, chez Trentsensky & Vieweg [T. et V. N° 2763] :

(Quatre Lieder | avec accompagnement de | pianoforte. | Mis en musique | par | [Marian[n]e Czegka | née von Auernhammer, | chanteuse et ancienne professeur de chant au Conservatoire de | Prague et à la Société de Musique de Gratz.)

 La date de parution du recueil de Marianne Czegka n’est pas précisée. Quelques repères permettent cependant de la deviner. La maison d’édition du Graben a un passé mouvementé. Fondée par Giovanni Cappi [1765-1815], un ancien employé d’Artaria, elle fut successivement dirigée par sa veuve, Magdalena, puis par leur fils Carlo et leur neveu Pietro. En 1826, Joseph Czerný les rejoignit puis resta seul directeur. À sa mort, en septembre 1831, son lithographe, Joseph Trentsensky, lui succéda, vite remplacé par son frère Mathias, également lithographe. Grâce à une courte association, du 2 mai 1833 au 29 décembre 1837, la firme s’appela Trentsensky & Vieweg. Puis elle passa aux mains d’Eduard Mollo… La dernière publication de Cappi s’arrêtant au n° 2575 et celle de ces Quatre Lieder portant le n° 2763, on peut la dater d’automne 1834 sans trop risquer d’erreur. D’ailleurs le catalogue Hofmeister, sous le n° 2739, précise : « September, October ».

La compositrice n’est pas une inconnue. Marian[n]e [ou Marianna ou Anna] Czegka [ou Czeska ou Czezka] n’est autre que la fille de la célèbre claveciniste Josepha [Josephine] Barbara Au[e]rnhammer [ou Aurhammer ou Aurenhammer] et de Johann Bessenig, un fonctionnaire. Sa mère, talentueuse concertiste ancienne élève de Mozart – odieux à son égard –, bien que mariée depuis 1786, conserva son nom de jeune fille dans sa vie d’artiste. Marianne, entraînée dans son sillage, l’imita. Elle apprit le piano, le chant et la composition auprès d’elle. Altiste, elle fit ses débuts à Vienne en chantant le rôle de Marcellina dans la Leonora, ossia L’amore conjugale de Ferdinando Paër, le 8 février 1809, au Kärntnertor-Theater.

Elle resta dans ce théâtre jusqu’en 1814 sous le nom de scène de Fräulein von Auenheim ; on la vit aussi au Burgtheater. Le 21 mars 1813, mère et fille donnèrent une académie dans la Kleinen Redoutensaal et jouèrent un Duo für zwei Klaviere de Daniel Steibelt, puis Josepha interpréta seule avec brio le Grand Concerto en ut mineur [Opus 37] de Ludwig van Beethoven ! Marianna Auernhammer-Bessenig devint ensuite Madame Anna Czegka et entra au Conservatoire de Prague comme professeur de chant et de vocalisation. À partir de 1817, elle eut comme élève la jeune soprano Henriette Son[n]tag – meilleure que son professeur, à en croire François-Joseph Fétis : « Pendant quatre ans, ses études furent sérieuses, elle devint habile dans la lecture de la musique et dans le chant, quoique ses progrès sous ce dernier rapport fussent plutôt dus à son heureux instinct qu’à l’éducation vocale qu’on lui avait donnée. » Après la mort de sa mère (30 janvier 1820), Marianne Czegka fut engagée par le Musikverein de Graz, avant de retourner exercer à Vienne.

Le poème de Wilhelm von Marsano n’intéresse pas que Marianna Auernhammer-Czegka ; en août 1839, au moment où An Sie va paraître à Hanovre sous le nom de Beethoven, Carl Friedrich Johann Girschner [1794-1860] en publie sa propre version chez Körner, à Erfurt, dans ses Sechs deutsche Lieder für Mezzo-Sopran oder Tenor, Opus 25 : n° 5 – An Sie.

Par quel mystère le Lied Nachruf (en fa), de Marianne Czegka devient-il An Sie (en la bémol), de Beethoven, en 1839, je ne sais. Peut-être par une supercherie élégante du chanteur Julius Egersdorff qui l’adapta à sa tessiture de ténor et rendit la mélodie si franchement populaire qu’elle ne pouvait être que du plus grand compositeur de Vienne ! Dès lors considérée du Maître, son succès ne se démentira plus.

En août 1841, titré encore Nachruf mais de Beethoven, le lied paraît à nouveau à Hanovre, chez Nagel cette fois, avec accompagnement de piano ou de guitare. C’est cette édition que Gustav Nottebohm, en 1868, cita comme primitive, datée de vers 1844 :

Puis, toujours à Hanovre et de Beethoven, mais chez Bachmann, il est publié sous le titre An Sie… Ensuite, il franchira l’Atlantique… En effet, en 1842, la maison Firth and Hall de New-York le publie, en la bémol majeur, dans un recueil de six Pearls of german song, from the most admired compositions of Spohr, Schubert, Beethoven, etc. adapted to english words and arranged with an accompaniment for the piano forte by F. W. Rosier (Perles du Chant allemand, d’après les plus admirables compositions de Spohr, Schubert, Beethoven, etc. adaptées en anglais et arrangées avec accompagnement de pianoforte par F. W. Rosier): Farewell (Adieu [fille trop aimée pour qui je soupire et languis])…

Farewell! too lovely maid from whom I sigh and languish,
Rashrin’d within my constant heart,
Shall be thine Image soothing ev’ry anguish,
R’en tho’ for ever [bis] forc’d from thee to part,
Yet tho’ on earth I never more may greet thee,
In some blest land when ended ev’ry pain,
There lovely maid I fondly hope to meet thee,
And never part [bis] from thee again.

Farewell! and when in distant lands with new sun gleaming,
Some face perchance as fair I see,
Some eye whose radiance bright as thine is beaming,
Still can it never [bis] wean my soul from thee,
For tho’ on earth I never more may greet thee,
In some blest land when ended ev’ry pain
There lovely maid I fondly hope to meet thee,
And never part [bis] from thee again.

      Cette version acquiert une célébrité certaine. Mademoiselle Jetty Treffz l’inclut à son répertoire sous le titre Farewell lovely maiden, et l’œuvre connaît une nouvelle publication, à Louisville, chez Peters, Webb & C°, ornée d’une lithographie de la cantatrice, par Sarony & Major. Elle sera couplée à cinq autres chants, une dizaine d’années plus tard, chez David P. Faulds, toujours à Louisville [774-5] :

À en croire le Thematisches Verzeichniss des œuvres de Beethoven publié en 1851 par Breitkopf und Härtel, le Lied serait reparu en Allemagne autour de 1844 à Leipzig, chez Klemm, titré An Auguste (À Auguste), mais sous le nom de Carl Dames (L. Dames, selon Gustav Nottebohm).

Cet éditeur ne serait autre que Carl August Klemm [1769-1830], facteur de pianos à Plauen en 1806, installé définitivement à Leipzig en 1809.

Il est possible qu’à sa mémoire, le compositeur Louis Dames ait fait paraître le lied attribué à Beethoven, dédié “An [Carl] August” ; Carl (au lieu de L[ouis]) Dames, dans le Thematisches Verzeichniss, ne serait alors qu’une simple coquille typographique datant des années 1840… – Personne à ce jour n’a retrouvé cette édition.

À en croire le Thematisches Verzeichniss des œuvres de Beethoven publié en 1851 par Breitkopf und Härtel, le Lied serait reparu en Allemagne autour de 1844 à Leipzig, chez Klemm, titré An Auguste (À Auguste), mais sous le nom de Carl Dames (L. Dames, selon Gustav Nottebohm).

Cet éditeur ne serait autre que Carl August Klemm [1769-1830], facteur de pianos à Plauen en 1806, installé définitivement à Leipzig en 1809.

Il est possible qu’à sa mémoire, le compositeur Louis Dames ait fait paraître le lied attribué à Beethoven, dédié “An [Carl] August” ; Carl (au lieu de L[ouis]) Dames, dans le Thematisches Verzeichniss, ne serait alors qu’une simple coquille typographique datant des années 1840… – Personne à ce jour n’a retrouvé cette édition.

Cette autre partition, publiée à Hamburg par Johann August Böhme, sans date ni numéro d’ordre, doit cependant être antérieure au décès de l’éditeur (8 février 1847) : « Auswahl beliebter Gesänge mit Begleitung des Piano-Forte in Musik gesetzt von den berühmtesten Componisten » [N° – ].

En la bémol majeur, et pratiquement inchangée, elle ne comporte que deux couplets. Le second est entièrement nouveau : l’Aimée n’est point morte mais bien lointaine ; « et leurs pensées se croisent dans la nuit, divins oiseaux du cœur. » [V. Hugo]

[N° 1, couplet 2 :]           NACHRUF

Und dort nach jedem Land wohin Du dich gewendet,
Wo heiss die Liebe kämpft mit Pflicht,
Hab’ ich Dir all mein Sehnen nachgesendet,
Und tausend Grüsse [bis] mit der Sterne Licht.
Ich weiss gewiss Du hast sie all’ empfangen,
Oft sank ein Stern herab in stiller Nacht,
Dann glühten mir beseeligt meine Wangen,
Du hattest mein, [bis] (mein)er dann gedacht.

Et c’est là-bas, au pays que tu as choisi,
Où l’amour et le devoir se combattent ardemment,
Que je t’ai envoyé tous mes désirs meurtris,
Des milliers de pensées grâce aux feux des étoiles.
J’en suis certain, tu les as tous reçus,
Car dans la nuit sereine une étoile est souvent descendue
Et aussitôt mes joues ont brûlé d’extase :
Tu venais juste alors de penser à moi.

À Francfort-sur-le-Main, An Sie (Musik von Beethoven) existe aussi en manuscrit sans date pour voix et guitare, en sol majeur.

À Donaueschingen, le compositeur tchèque Johannes Wenzeslaus Kalliwoda [1801-1866], violoniste et chef d’orchestre renommé, prend également An Sie pour sujet de Lied. Une première version est publiée à Londres chez Wessel & C° vers 1845, traduite à nouveau par F. W. Rosier : “Oh thou! whose Image fills my Breast” (German Songs N° 119 [2775]) :

O thou whose image fills my breast with fond remembrance,
To thee I pour my heartfely song,
Tho’ prudence urge me not to think upon thee,
Still fond reflections thro’ my bosom throng;
Tho’ thou art distant far, can I forget thee,
Who wast the light and joy of happier days;
Still lovely girl I fondly think upon thee,
And still in fancy (bis) on thee gaze.

When e’er I see the stars in Heaven brightly beaming,
Dear maid I think alone on thee,
I look into the floods of liquid radience,
Thy lovely image (bis) there I plainly see;
The vaulted Heav’n is swiftly disappearing,
And the wide earth thy form alone does fill,
There sweetest maid in all thy lovely beauty,
In fancy there, (bis) I see thee still.

Toujours à Londres, une seconde version suit en 1850, chez D’Almaine & C°, avec une nouvelle traduction de Leonard Rolfe : “Oh! thou, bright dream” (Deutsche Lieder N° 49 [12, 812])…

To thee, with whose sweet dream my soul once felt such gladness,
My beating heart now sings again;
Tho’ time hath flown, yet still that thought of sadness,
Comes o’er my dreamings (bis) that all hope is vain.
Tho’ far away, fondly now before me,
Still shines the smile that beam’d in happier years;
Oh! ever dear, tho’ bright thy mem’ry’s o’er me,
Its sunshine plays mid hopeless tears (bis).

At night, when from the fields of Heav’n the stars are playing,
I dream of thee and joy now flown,
’Mid liquid floods of glory round me straying,
Thy sweeter beauty (bis) makes my heart thine own.
The silver light that beam’d so brightly o’er me
Seems dimm’d by one far brighter smile to me;
Oh! ever dear, whate’er the joy before me,
I can but think and dream of thee (bis).

Quant à An Sie, des alentours de 1850, c’est simplement une copie manuscrite, en fa majeur, de F. Horchler von Lizzie : Julius Egerdorff n’est dit qu’interprète de Lieder et de ballades nordiques… À la bonne heure !

An Sie est donc entrée naturellement, en 1851, dans le catalogue thématique de Breitkopf und Härtel des œuvres du Maître.

En août 1852, le prolifique pianiste, compositeur et arrangeur Ferdinand Beyer [1803-1863] publie chez les Fils de Bernhard Schott à Mayence et Bruxelles ses Six Morceaux gracieux sur des airs allemands favoris composés pour le piano, et dédiés aux jeunes pianistes | N° 5. Nachruf | O du, nach der sich halle meine Wünsche lenken | von L. v. Beethoven | Op : 114 [11 488. 5].

Grâce à la renommée d’Aloïs Ander, autre chanteur d’opéra qui a Nachruf, de Beethoven, dans son programme, une belle édition pour voix et piano sort à Heidelberg, chez L. Meder, en août 1853, agrémentée d’une poétique lithographie du viennois A. Grube représentant le poète sous un saule pleureur, luth à l’épaule, à genoux près d’une stèle et invoquant la nuit étoilée.

Ces trois partitions sont en vente également à Leipzig, chez Friedrich Hofmeister ; et à Vienne, chez la veuve de H. F. Müller :

Für Sopran oder Tenor         –           in As     [6]
” Mezzosopran od. Bariton  –            in Ges   [7]
” Alt oder Bass                        –        in Es     [8]

C’est de celle pour Mezzosoprano ou Baryton, en sol bémol majeur, qu’Oldrich Pulkert a signalé un exemplaire aux archives d’Ostrava, en Tchéquie. La voici :

En Allemagne, dans les années 1850, il en existera plusieurs copies manuscrites, en la bémol majeur, titrées Nachruf à Lüneburg et à Donaueschingen, An Sie à Meiningen…

En France, Wilhelm von Lenz reconnaît cependant que son authenticité n’est pas prouvée ; « je n’ai pu éclaircir ce point », écrit-il en traduisant l’incipit du poème « À Elle : “Ô toi, vers qui tous mes désirs se portent” ».

Ainsi la mélodie franchit-elle nos frontières sous le nom de Beethoven grâce aux traducteurs Adolphe Larmande et Victor Wilder qui créent en 1853 leur collection des « Échos d’Allemagne » publiée à Paris par l’éditeur Gustave Flaxland [1821-1895]. Adolphe Larmande adapte une première fois An Sie en français et publie L’Absence en treizième place du premier volume, p. 69. Le sens du poème est devenu tout autre. Là, point de deuil, mais départ, éloignement. Il s’agit bien d’un amoureux qui, la mort dans l’âme, pleure son aimée partie sous d’autres cieux. Cette version du poème de Marsano sera la plus répandue en France :

Vers toi [bis] s’élance ma pensée,
Vers toi m’emporte mon désir,
Et ma pauvre âme délaissée
Veut croire encore [bis] à l’avenir.
Sous (Vers) d’autres cieux pourquoi m’es-tu ravie
Quand ton destin au mien allait s’unir !
Ange adoré, près de toi c’est la vie,
Et loin de toi… loin de toi c’est mourir.

En toi [bis] j’espère, et si l’absence
Met entre nous l’immensité,
Parfois la nuit de ma souffrance
S’illumine [bis] de ta beauté.
Ô vision bientôt évanouie !
Mon cœur déçu s’éveille pour gémir.
Ange adoré près de toi c’est la vie,
Et loin de toi… loin de toi c’est mourir.

Trésor [bis] si doux, à toi j’aspire
Comme au suprême et pur amour,
Et mon ineffable délire
Doit survivre [bis] à mon dernier jour.
Même au tombeau mon ombre ensevelie
En tressaillant dira dans un soupir :
Ange adoré, près de toi c’est la vie,
Et loin de toi… loin de toi c’est mourir

À Vienne, en février 1855 seulement, chez la veuve de H. F. Müller, Nachruf reparaît, rendu enfin à Marianne Czegka.

De fait, l’éditrice reprend à l’identique la partition de L. Meder parue deux ans plus tôt à Heidelberg et se contente de changer l’auteur de la composition et les numéros de publication :
Für Sopran oder Tenor        –            in As     [536]
” Mezzosopran od. Bariton  –            in Ges   [537]
” Alt oder Bass                    –            in Es     [538]

Le cithariste Johann Schnitzer transcrit la mélodie de la compositrice pour son instrument et la publie à Vienne, en avril 1857, chez Spina :

Autre cithariste viennois, L. Montlevrin, qui depuis 1851 transcrit lui aussi les airs à la mode, publie en novembre 1858, chez Adolph Ottomar Witzendorf, successeur des Mollo, la 31e livraison de ses Lieder für Zither : Nachruf von Beethoven !

À Paris, Prosper Seligmann [1817-1882], s’inspirant des « Échos d’Allemagne », compose en si bémol son Nocturne sur « L’Absence », pour violoncello et piano [Opus 65] (G. Flaxland, 1858) :

À Vienne, une réédition du lied de Marianne Czegka intervient après 1859, la maison Müller devenant Wessely & Büsing. Mais Wessely publie ensuite Nachruf sous le nom de Beethoven ! Définitivement ! Montlevrin avait eu du flair ! Incipit, catalogue de Nottebohm :

Et, évidemment, à Cologne, près du berceau de Ludwig van Beethoven, Nachruf : An Sie paraît sous son nom chez Weber en décembre 1861.  En 1862, Adolphe Larmande retraduit An Sie et publie son nouveau chant chez Simon Richault [5609. R.], à Paris, au premier étage du 26, boulevard Poissonnière. Titre : L’Absence ou Loin d’elle, en sol majeur :

Au loin partout, toujours je suis ta trace ;
Partout mon âme est avec toi.
Bravant l’exil et le temps et l’espace,
L’amour m’enchaîne [bis] à ton heureuse loi.
Tu m’as quitté mais ta céleste image
Vient consoler mes jours si languissants ;
Et je revois, comme un riant mirage,
L’éclair divin de tes beaux yeux absents !

De toi, de toi la brise voyageuse
Me parle avec un frais soupir,
Et dans l’azur l’étoile radieuse,
En traits de flamme [bis] écrit ton souvenir
Au fond des bois où je te cherche encore,
Triste et rêveur lorsque la nuit descend,
Tu m’apparais, fantôme que j’adore,
Tu me souris ô mon bel ange absent !

Reviens ! c’est là mon vœu, mon espérance ;
Reviens ! c’est mon plus cher désir.
Au seul penser de ta douce présence,
Je sens déjà [bis] mon cœur s’épanouir.
Auprès de toi quel souffle pur m’enivre !
Tout me ravit, tout est resplendissant…
Bel ange aimé, reviens ! fais-moi revivre :
Rends-moi mon âme et mon bonheur absent !

En même temps est rééditée la version parue dix ans plus tôt dans les « Échos d’Allemagne » ; elle devient : Absence (An Sie) [5609. R. (bis)]. La mélodie « beethovénienne » ne laisse pas d’inspirer les poètes. J. (ou F.) Mellery lui octroie de nouvelles paroles en 1863 ! L’Absente, « Musique de L. von [van] Beethoven » paraît chez Schott, à Paris, Bruxelles, Mayence et Londres

Ô toi qui répandais ton charme sur ma vie
Reviens en ton rapide essor
Comment vivrai-je si tu m’es ravie
Toi mon idole, [bis] toi mon doux trésor
À mon amour un sort cruel t’enlève
Un coup funeste vient nous désunir
Ah ! mon espoir n’est plus qu’un triste rêve
Et mon bonheur, tout mon bonheur qu’un souvenir.

Souvent, lorsque la nuit étend ses sombres voiles
Rêveur, ici je viens m’asseoir
Ton doux regard me luit dans les étoiles
Ta voix me parle [bis] dans le vent du soir
Je te demande au flot qui mord la grève
Son vain courroux n’a pu te retenir
Ah ! mon espoir n’est plus qu’un triste rêve
Et mon bonheur, tout mon bonheur qu’un souvenir.

Reviens ! ta vieille mère compte attendre l’heure
Qui doit vers nous te renvoyer
Ta jeune sœur te tend les bras et pleure
Car son bon ange [bis] manque au vieux foyer
Après l’orage un jour plus pur se lève
Mon beau passé n’as-tu point d’avenir ?
Non ! mon espoir n’est plus qu’un triste rêve
Et mon bonheur, tout mon bonheur qu’un souvenir.

      Les Échos de Larmande et Wilder ont sans doute donné au compositeur Wilhelm Krüger [1820-1883] l’idée de les imiter. Ce professeur de piano de Stuttgart publie à Cologne en février 1864 ses Echo aus Deutschland. Sammlung beliebter Lieder und Duette übertragungen : en 15 livraisons, 18 Lieder et duos célèbres de compositeurs germaniques arrangés pour pianoforte. À Paris, Échos d’Allemagne | Piano solo | par | W. Krüger paraissent chez G. Flaxland, qui peut les avoir commandités. Schott & Cie à Londres et Hallberger à Stuttgard [sic] les publient également. N° 2, p. 6 : Nachruf, de Beethoven, intitulé en France L’absence | Mélodie dédiée à Melle Marie Bertrand ! L’ensemble reparaîtra à Cologne en juin 1873.

Le compositeur français M. Guichard puise lui aussi dans le premier volume des « Échos d’Allemagne » pour réaliser ses « 6 Fantaisies faciles sur des thèmes allemands pour le violon, avec accompagnement de piano, ad libitum ». Elles paraissent dans la « Biblioteque du violoniste » [sic], en 1864, chez l’éditeur parisien Adolphe Catelin : L’absence et Le Délire du Cœur, [Opus 36], sont de Beethoven ! [A. (496) C.]

La popularité de la romance ne se dément pas. La même année, Ernest Cramer (sûrement un pseudonyme) publie chez Alphonse Leduc une « Mélodie de L. van Beethoven | Transcrite pour Piano | Op : 20 » dédiée à Madelle Maria Hazard [A. L. 2922]. De fait, assortie d’un prélude, il s’agit d’An Sie ! En 1865, surprise ! Elle reparaît, à l’identique, mais sous le nom de l’éditeur compositeur Alphonse Leduc, dédiée cette fois À Mme la Comtesse de Clamar [A. L. 2922] !

      (Leduc a dû prendre Cramer pour pseudonyme ! D’ailleurs, en 1881, il le réutilisera, en changeant de prénom, pour publier chez Durand, Schœnewerk & Cie : Gerbe mélodique | Collection de Transcriptions faciles Pour Piano Par A. Cramer ! En deuxième place de la 2me Série apparaîtra L’Absence | Mélodie de Beethoven [D. S. & Cie 2854]. Simplifiée, en effet 🙂

      En Angleterre, c’est le poème chanté par Julius von Egersdorf qui aura retenu l’attention ! Traduit par F. A. Polgreau, il est remis en musique par Carl Suppus, dédié à Alexander Reichardt et publié à Londres, chez Schott & C°, en 1872 [838] : To Thee (‘An Sie’) Song from the German – “O! thou to whom my dear and fondest wishes soar”.

O! thou
To whom my dear and fondest wishes soar
Hear now the language of my heart,
Though they demand I think of thee no more,
Neer can my thought from thee, belov’d, depart.
How ever far remov’d thou now may’st be,
Thou whom in happy days mine eyes did see,
Send hope fond remembrance and peace for me
I see thee now
Here near to me I see thee now [bis].

When stars so bright in Heavn’s expanse do shine
Of thee I think beloved maid
Thine image sweet then glows with radiance divine
As tho’ by angels it were array’d,
Then sinks the earth and Paradise is near
For thou art there beloved one ever dear
Send hope fond remembrance and peace for me
I see thee now
Here near to me I see thee now [bis].

En 1873, l’organiste alsacien Jacques-Louis Battmann [1818-1886] dédie « à Mademoiselle Marthe Lepied » L’Absence (de Beethowen) | Caprice [pour Piano] Opus 348 (Paris, A. Ikelmer [AI & Cie 2917].

L’année suivante, Frédéric-Charles-Théodore Wachs [1825-1896], comme Leduc-Cramer, la réduit à son tour : L’Absence, mélodie de Beethoven, transcrite pour piano (Paris, Aymard Dignat [A. D. 184].

En 1876, un professeur anonyme du Pensionnat des Religieuses Ursulines de Blois publie pour ses élèves, chez Henri Gautier, à Paris : Fleurs Mélodiques | Recueils de Chants choisis parmi les Œuvres des Grands-Maîtres | Paroles expressément composées pour la Jeunesse. L’une d’elles, deuxième du premier volume, Désir du Ciel, s’inspire de Nachruf, « Musique de Beethoven » :

DÉSIR DU CIEL

Vers toi, vers toi, beau ciel, s’élance ma pensée,
Vers toi m’emporte mon amour,
Cherchant l’image commencée
Du ciel où l’âme [bis] a son séjour.
Chaque matin, je vois dans cette aurore,
Comme un regard qui répond à ma foi…
Ah ! dis-le moi, dis le moi, suis-je encore,
Suis-je bien loin [bis], bien loin de toi ?

Je crois, je crois trouver dans l’astre qui rayonne
Au sein de ton limpide azur
Le nimbe d’or dont Dieu couronne
L’âme fidèle [bis] et le cœur pur.
De l’horizon ou l’aube vient déclore [sic]
Un doux reflet arrive jusqu’à moi…
Ah ! dis-le moi, dis le moi, suis-je encore,
Suis-je bien loin [bis], bien loin de toi ?

En vain, oui, c’est en vain que la terre impuissante
Parfois voudrait me retenir.
Partout de la patrie absente
Moi je retrouve [bis] un souvenir.
Divin séjour du Maître que j’adore,
Du Dieu qui donne espoir, amour et foi,
Ah ! dis-le moi, dis le moi, suis-je encore,
Suis-je bien loin [bis], bien loin de toi ?

(En 1880, il portera le titre « Suis-je bien loin ? » dans le recueil de « 17 Mélodies choisies de L. van Beethoven avec accompagnement de piano / Paroles de XXX de Ste Ursule », à l’usage des Pensionnats et des Familles, publié par le même éditeur [H. G. 1009].)

En automne 1876, alors que Montlevrin réédite à Vienne Nachruf pour cithare, en en redonnant la maternité à Marianne Czegka, un troisième et dernier volume des « Échos d’Allemagne » sort à Paris avec d’autres pièces de Beethoven.

Curieusement, trente-six ans après Farewell, c’est pourtant la version française qui franchit alors l’océan pour paraître à Boston, chez Oliver Ditson en 1878, traduite et adaptée par Theo.-T. Barker : Absence [46436] – “Towards thee my thought is ever reaching” ; une belle édition bilingue :

Towards thee,
Towards thee my thought is ever reaching.
For thee my heart doth long and grieve
My seal, tho’ weary with beseeching
In a bright future [bis] would still believe.
‘Neath other skies, why should they from me tear thee,
When fate unites us, with Love’s holy tie!
Angel adored: it is life to be near thee
But, far, from thee, love, is only to die!

In thee,
In thee I hope, and if this parting
Between us throws broad realms of space,
Yet oft, the darkness of my smarting,
Is still illumined [bis] by thy dear face.
O faded dream! that could so bless and cheer me:
My heart decieved doth only wake to sigh.
Angel adored! it is life to be near thee,
But far from thee, love, is only to die!

For thee!
Oh treasure dear, for thee, I’m yearning
As for a love supreme and pure;
The passion that in me is burning
To life’s last moment [bis] will ever endure.
E’vn at the tomb, my spirit hov’ring near thee,
With trembling voice will speak, and softly sigh:
Angel adored! it is life to be near thee,
But far from thee, love, is only to die!

En 1881, alors qu’« A. Cramer » allège sa réduction de L’Absence, Jules Domerc reprend l’édition Richault de 1862 et donne à la mélodie un caractère priant en la transcrivant comme Offertoire pour violon avec accompagnement d’orgue ou de piano (Paris, Richault).

Entre temps, enfin, le militaire hautboïste et compositeur de Detmold, Karl Friedrich Theodor Kaiser [1854-1925], arrangea plusieurs fois cette œuvre, nommée selon les copies An Sie, Nachruf ou même An Adelaide !
– pour Sextuor à vents, “6 stim[mige] Blasmus[ik]” (c. 1876) : An Sie.

– pour Musique militaire, “Tisch-Musik” (1877) : An Adelaide.

– pour Quatuor à vents, “vier Clarinetten” (1887) : Nachruf an Beethoven.

– pour grand Orchestre, quoiqu’ indiquée “für Streichorchester” (1888) : An Sie.

– pour Cor ténor et Pianoforte (1903) : An Sie, en si bémol. Copie manuscrite du Frère Othmar Reinauer [1841-1914], de l’Ordre de Saint-Benoît (28 février 1903), dans une collection de Lieder für Tenorhorn mit Pianoforte.

En 1902, une version danoise en la majeur assez différente titrée Til Hende (Pour Elle) est sortie à Copenhague et à Leipzig, chez Wilhelm Hansen, dans la 7e livraison de son Sang-Album for en mindre Stemme, n° 16 (de fait n°17) [H. CXXXIII mais plutôt 134 !]. Si l’œuvre reste de Beethoven, aucune information n’est fournie sur l’auteur du texte.

O Du, som tvang min Sjæl i Elskovs Rosenlænke,
Med Skjønheds Magt du tryller mig ;
Man fordrer strengt, paa dig skal ei jeg tænke,
Dog kun end mere [bis] tænker jeg paa dig.
Vel maa jeg skilt fra dig alene vanke,
Du, som i skjønne Dage jeg fik kjær :
O, giv mig Haab og Fred i Sjæl og Tanke,
Jeg skuer dig, [bis] jeg er dig nær.

Naar hist i gyldne Straaler Nattens stjerneluer,
Da fængsler du min Aand og Sands ;
Jeg i dens Pragt dit søde Billed skuer,
Du for mit Øie [bis] staaer i Helgen glands.
Det er for mig, som salig da jeg favned
Den hele Jord og Stjernerlyse Hær :
O giv mig Haab, da her jeg, hvad jeg savned,
Jeg skuer dig, [bis] jeg er dig nær.

Ô toi, qui pris mon âme aux mailles de l’amour,
Par le pouvoir de la beauté tu m’emprisonnes ;
Cherchant raison de ne penser à toi,
J’y pense encore davantage.
Je dois errer seul, séparé de toi
Dont je tombai amoureux aux beaux jours :
Oh, apaise mon âme et me redonne espoir,
Je te contemple, je suis à toi.

Quand la nuit se parsème de rayons d’étoiles,
C’est là que tu emprisonnes mon âme et mes sens ;
Quand mes yeux admirent ta douce image,
Tu brilles pour eux d’un rayonnement sacré.
Quel bonheur pour moi de joindre
Son éclat à celui des étoiles :
Oh, rends espoir à ce que je ressens,
Je te contemple, je suis à toi.
[D’après la traduction littérale offerte
par Michel Qvistgaard – Montpellier,
avec mes remerciements.]

[Copie Willy Hess
aimablement communiquée par Daniel Gloor
(Zentralbibliothek – Zürich)]

Vers 1905, An Sie ! réapparaît dans une Collection de Lieder et Chants classiques à Berlin, chez Schlesinger, et à Vienne, au 11 du Tuchlauben, chez « Carl Haslinger qdm. [quodammodo / en quelque sorte] Tobias ». (Josephine, la veuve du fils du joyeux Bester Tobias de la Paternostergäßchen, a vendu sa firme en 1875 à Robert Lienau, associé de Schlesinger, mais le nom a été conservé) :

Sammlung classischer Lieder und Gesänge für eine singstimme mit Begleitung des Pianoforte. Für hohe Stimme [voix haute] – N° 40 – An Sie ! [1258]

En même temps, l’éditeur en tire une Auswahl (Sélection) für Sopran od. Tenor N° 65 en la bémol [S. 1258] et für Alt N° 153 en fa [S. 1258 A] :

Enfin, L’Absence se retrouve en 1932 à Paris, chez A. Durand & Fils, dans un recueil de Beethoven – 12 Mélodies avec paroles françaises de Jules Barbier, Adolphe Larmande et Victor Wilder [N° 801B], puis isolément en janvier 1948 pour inaugurer la nouvelle collection Échos : N° 1 Échos d’Allemagne [D. et F. 147]. Je ne connais cependant aucun enregistrement de cette œuvre…

La partition, encore en vente, se réfère toujours à Beethoven. On comprend pourquoi ! N’en oublions pas pour autant Marianne Auernhammer-Bessenig-Czegka ! Sans elle, ce beau Lied n’existerait pas – et sans lui serait tombé dans l’oubli.

Une précision : la collection Durand des Échos d’Allemagne de 1948 n’est que la stricte reprise de l’édition Flaxland qui portait déjà ce titre en 1853.

(À ne pas confondre Nachruf avec le Lied de même nom composé par Hugo Herrmann en 1956 pour chœur à quatre voix mixtes sur un poème de Erwin Sanner et publié chez B. Schott’s Söhne à Mayence en 1957 [325A]…) Et il y en eut bien d’autres. Pensez ! Nécrologie… Sur d’autres poèmes que celui de Wilhelm von Marsano.
L’Absence est également le titre d’une romance sans paroles pour piano du compositeur tchèque Alexander Dreyschock [1818-1869] en 1843, « avec de nouveaux effets acoustiques ». Deux ans plus tard, L’Absence [Opus 75] est aussi le nom que donne Bélanger à sa version française pour voix, piano, violon et violoncelle ad libitum du Lied aus der Ferne [WoO 137] de Beethoven. Quant à Absence, c’est le titre français de Zärtliche Liebe [WoO 123] de Beethoven, arrangé en 1939 par Henri Hirchmann alias Herblay [1872-1961], sur des paroles de J. Haël & André Deguil. Etc., etc.

Enfin, au plaisir de surprendre peut-être, il existe une autre œuvre Anhang 18c (mais je ne connais pas d’Anhang 18b…) ! Copie manuscrite anonyme des années 1880 : “Wär’ ich ein Stern” / Lied für eine Sopran Stimme / mit Begleitung des Pianoforte / componirt von / L. von Beethoven. [sic] « Si j’étais une étoile »…

Sous le poème se cache le célèbre romantique Jean Paul (Johann Paul Friedrich Richter [1763-1825]) ; sous la musique, mystère… O, wär’ ich ein Stern a aussi été composé, vers 1850, par Karl Heinrich Carsten Reinecke [1824-1910], Opus 18 n° 6. Et Beethoven ?

Nachruf o An Sie Anhang 18 – Lied für eine Singstimme und Klavierbegleitung

Exemples musicaux cités par cette article (Incipit)