Le premier disque d’ esquisses de Beethoven

(Columbia L 1934 ~ 9 février 1927)
(Articolo apparso sulla rivista musicale “Arietta” della B.P.S.E.)

Hastez-vous lentement, et sans perdre courage,

Vingt fois sur le mestier remettez vostre ouvrage.

Polissez-le sans cesse, et le repolissez.

Ajoûtez quelque fois, et souvent effacez.

Nicolas Boileau L’Art poétique – Chant I (1674)

Ludwig van Beethoven n’a sûrement pas lu notre Boileau. Pourtant, ces vers en épigraphe conviennent parfaitement à sa façon très particulière de composer. Si la muse de Mozart a la plume facile et alerte, celle de Beethoven mûrit longuement ses effets. Autant l’inspiration lui est foisonnante, autant la réalisation lui coûte temps et énergie pour répondre exactement à sa pensée. Chez lui, de l’éclosion d’une idée à son épanouissement, c’est la même fleur différemment parée. Mais une fois coupée, je veux dire une fois l’œuvre prête à imprimer, il n’y faut plus toucher et gare aux éditeurs qui ne se tiendraient à sa dernière leçon ou correction. Pour Beethoven, la musique est une langue douée de sens, non un babillage de salon. Cela ne lui est évidemment pas particulier, mais n’est pas génie qui veut… Les musicologues le savent, qui ont très tôt remarqué l’intérêt des essais du maître !

Il est ainsi remarquable que Beethoven soit le seul compositeur, dès 1927, dont les esquisses aient été enregistrées, bien avant l’extraordinaire entreprise de Denis Matthews pour la firme de Tunbridge Wells (8 LP Discourses ABM 1 à ABM 8, 1971 & 1974), et les tentatives orchestrales sporadiques de Leonard Bernstein avec la Ve symphonie (LP CBS 73045, 1972) et de Sir Georg Solti avec la IXe (LP London CSO 1000, 1973). Depuis, seuls les enregistrements de Denis Matthews ont revu partiellement le jour chez Maxsound (K7, 1986), et à nouveau chez Discourses (CD, 2000) – douze ans après le décès du célèbre pianiste et musicologue.

Le 9 février 1927, à l’occasion du centenaire de la mort de Beethoven, la firme londonienne Columbia enregistre pour sa collection sous Light blue label un disque électrique en 12″ et 80 rpm intitulé :

BEETHOVEN SKETCHES / ILLUSTRATED ON THE PIANOFORTE Columbia “Magic Notes” L 1934 (matrices AX 2443 – prise 2 & AX 2444 – prise 1)

La pochette est immédiatement commercialisée en Grande-Bretagne en avril 1927 et ne sera retirée des catalogues qu’en juin 1942.

Les exemples sont annoncés et interprétés par un artiste à la voix puissante et au jeu pianistique solide. Anonyme ! Cependant, l’historien discographe Ronald Taylor remarque, dans son recueil Columbia twelve-inch Records in the United Kingdom 1906 —1930 (Symposium Records, East Barnet, 1994), p. 162 : “Speaker and artist not noted but understood to be Donald Tovey”. Gilles Devincre, responsable aux Recherches discographiques de la Bibliothèque nationale de France, est du même avis. Ceci est fort probable, en effet.

Sir Donald (Francis) Tovey (* Eton 17-07-1875 | Edinburgh 10-07-1940) était pianiste, compositeur, musicologue et 7e Reid Professor, – chaire de musique de l’Université d’Édimbourg créée en l’honneur du flûtiste écossais John Reid (1721 – 1807). L’homme était féru de musique allemande : deux de ses nombreux essais ont paru à titre posthume à Londres : Beethoven (1944) et A Companion to Beethoven’s Piano Sonatas (1948).

Bien qu’il eût déjà 52 ans au moment de l’enregistrement, Sir Donald Tovey ne nous fait pas encore profiter de ses propres recherches et se contente d’exécuter les esquisses étudiées auparavant par Gustav Nottebohm et publiées toutes à Leipzig en 1865 (Ein Skizzenbuch von Beethoven [1802 / SV 263]), 1872 (Beethoveniana [I]) et 1880 (Ein Skizzenbuch von Beethoven aus dem Jahre 1803 [SV 60]).

Voici, en texte et musique, le contenu de ce précieux document.

(© : Titres, sur le disque. / En italique : le speaker présente puis interprète.)

(SV : Skizzenverzeichnis – Hans Schmidt, Beethovenhaus, Bonn, 1969) / Z[eile] = ligne.)

© BEETHOVEN SKETCHES – PART 1 (AX 2443) Excerpts

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Nous devons reconnaître que l’initiative de Donald Tovey, pour être un coup d’essai, fut un coup de maître, même sans parfaite rigueur. Les exemples étaient particulièrement bien choisis. Preuve en est qu’il faudra ensuite attendre près de cinquante ans avant que Denis Matthews renouvelle magistralement l’expérience, en reprenant souvent les mêmes esquisses :

Cf. DISCOURSES LP ABM1 & 2CD DCL1251/2 pour la Sonate avec violon Op. 30 n° 3.

DISCOURSES LP ABM 4 & 2CD DCL 1251/2 pour la IIe Symphonie Op. 36.

DISCOURSES LP ABM 5 & 2CD DCL 1253/4 pour la Ve Symphonie Op. 67.

DISCOURSES LP ABM 3 & 2CD DCL 1253/4 pour la IIIe Symphonie Op. 55.

Depuis Denis Matthews, jamais entreprise n’aura été menée aussi loin dans la démonstration de la création beethovénienne. Tout, chez ce compositeur de génie, suscite l’intérêt, de ses travaux d’étudiant jusqu’aux plus modestes Canons ou Plaisanteries musicales épistolaires de sa maturité. Il n’est pour s’en convaincre, que d’écouter le disque hollandais (LP Raptus 3890185 A, 1986) contenant 54 des 245 Études contrapuntiques conservées de 1793 avec Joseph Haydn [Hess 233] interprétées par Joke Muller au piano et Peter Doberitz au violoncelle – ou le coffret allemand (87CD Cascade 02200, 2007) dans lequel sont chantées pour la première fois par les Künstler der Musikhochschule Freiburg l’ensemble des Notenscherze in Briefen [WoO 205] ! Beethovéniens, rassurez-vous, car vous n’êtes pourtant pas près d’avoir tout entendu de votre compositeur préféré…

Michel ROUCH. Champels (Haute-Loire) France. 

Septembre 2007. 

Alcune registazioni di abbozzi beethoveniani su Lp e CD

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